De l'importance du conte et de la parole conteuse en ces temps difficiles.
Les temps sont difficiles, douloureux. L’actualité se fait anxiogène, nos rues perdent leur bonhomie et voilà que l’on craint de sortir de chez soi. Soudainement la peur aveugle l’esprit et l’on a l’impression de comprendre encore moins le monde.
C’est l’heure de faire appel encore et encore aux contes.
Depuis toujours, ils nous aident à dépasser l’instant présent. Mais aussi, dans les moments de malaise, ils nous apportent du réconfort. Ils nous rassurent, quand dans le récit le Bien triomphe du Mal. Ils nous apaisent quand ils nous suggèrent que l’humanisme n’est pas un mot creux. Ils nous encouragent quand ils démontrent que l’intelligence reste triomphante face à la bêtise. Ils nous font rire aussi et donc oublier quelques instants nos raisons de pleurer.
Comment encore ne pas rappeler que les contes ont un rôle à jouer dans l’apprentissage de la tolérance et du partage. C’est dès le plus jeune âge qu’ils peuvent aider chacun à comprendre l’intérêt du vivre ensemble au-delà des différences, des races, des coutumes, des langues, des convictions religieuses.
Ne laissons plus croire que le conte est une chose anodine uniquement destiné à occuper l’imaginaire des enfants. Le conte est tout sauf anodin. Plus subtil qu’un pamphlet, il peut déclencher des prises de conscience en mettant en scène des situations, des personnages auxquelles le spectateur peut soudainement s’identifier. Une histoire, dans son apparente simplicité, dans sa pénétrante symbolique, peut devenir une clef permettant d’ouvrir des portes closes jusqu’alors.
Enfin, ne sous-estimons pas le pouvoir de la parole conteuse. Loin de l’exploitation médiatique du malheur, du rythme infernal des vrais et fausses nouvelles, des images qui agressent notre sensibilité, elle se pose dans sa simplicité, dans son authenticité, dans sa générosité, pour stimuler notre esprit critique et aiguillonner notre réflexion, pour nous aider parfois à accepter mieux ce qui nous dépasse et pour nous galvaniser à construire des lendemains plus sereins.
Pour conclure, permettez-moi de vous offrir un petit conte tout simple. Histoire d'un rêve. Celui de Simon.
Un jour, Simon, jeune garçon d’une dizaine d’années, entre dans un commerce.
Derrière le comptoir se tient un Ange magnifique.
Etonné, le garçon s’avance et l’interroge :
« Dites-moi, Monsieur, que vendez vous, donc ? »
« Tout ce que vous voulez » répond l’Ange.
Alors, le garçon, dans la fougue de sa jeunesse commence à énumérer :
D’abord, je voudrais la fin des guerres dans le monde. Puis je voudrais que tous les hommes se sentent frères quelques soient leurs différences. Je voudrais aussi que l’injustice n’existe plus.
Mais l’ange l’arrête aussitôt et lui dit :
« Pardonnez-moi, mon garçon. Mais je pense que m’avez mal compris. Ici dans ce magasin, nous ne vendons pas de fruits, nous ne vendons que des graines…
Ami conteur, chaque histoire que tu racontes est une graine.
Dominique Brynaert.