Le conte-récit de vie, un outil de tolérance.
Si vous êtes attentifs aux nouvelles du monde, il ne vous échappera pas que notre société connaît actuellement un tragique repli identitaire, se laissant gangréner par les réflexes de rejet de l’autre, pour toutes sortes de raisons ; ses croyances, ses origines, sa langue, son statut social, sa sexualité, sa façon de penser…
Notre 21ème siècle, pris d’une véritable amnésie ou d’un déni de ses erreurs passées, laisse la pratique de l’ostracisme se développer dangereusement.
L’actualité au quotidien nous écœure, nous stresse, nous déroute. La presse joue trop souvent avec nos émotions et n’aiguise plus assez notre réflexion, ce qui nous laisse face à nos peurs primaires et peut nous amener à devenir, parfois, vecteur de rejet envers « l’autre », celui qui n’est pas ou ne pense pas comme nous.
La simple lecture de certains commentaires sur des réseaux sociaux est, à cet égard, très révélatrice de l’inquiétante recrudescence de cette lèpre qu’est l’intolérance.
Notre aveuglement est d’appréhender « l’autre » uniquement dans sa dimension de groupe. Nous réagissons à son appartenance à une race, à une « tribu », à son attachement à des convictions, à des idées que nous ne partageons pas et nions ainsi presque toujours l’individu dans son histoire personnelle.
C’est ici que des conteurs peuvent avoir un rôle.
Depuis toujours, des raconteurs d’histoires récoltent des récits de vie qu’ils partagent ensuite avec le plus grand nombre. Des récits intimes du quotidien d’hommes et de femmes qui ont un nom, une âme, dont les souffrances et les joies ont forgé leur caractère, leur appréhension du monde.
En portant ces histoires devant un public, les conteurs, par leur art, créent de l’empathie pour des inconnus qui, se révèlent frères par des sentiments qui se partagent universellement comme l’amour, le besoin de vivre mieux, la peur de mourir.
Une simple histoire, celle du vécu d’un homme, d’une femme dit avec des mots vrais peut ainsi nous ouvrir à une autre compréhension de ses actes, de ses choix ou de ses non-choix. Au-delà des différences.
De toute part des voix s’élèvent pour appeler à combattre toutes les stigmatisations.
A ceux qui ont cette volonté, autorité publique, associations, enseignants, nous ne pouvons qu’inviter à se tourner notamment vers les conteurs. Car le conte est un outil de tolérance. Se servant notamment de récits de vie, le conteur peut aider à appréhender le monde et ses problèmes avec plus de sensibilité, à battre en brèche les éternels clichés réducteurs, à nous faire appréhender la complexité des défis qui attendent notre humanité sans se reposer sur la froideur des chiffres.
Ne laissons pas, pour expliquer le monde d’aujourd’hui et les hommes qui y vivent, la seule parole aux journalistes, aux analystes, aux politiques, aux religieux, tous gardiens de leur propre vérité, celle de leur caste. Le conteur, lui, est un vagabond sublime qui n’a rien de plus à défendre que l’émotion sincère qu’apportent des histoires construites à l’écoute des autres.
Depuis la Nuit des Temps et en toute humilité.
Dominique Brynaert