En ce mois de février – Saint Valentin oblige – les contes aiment tout particulièrement quitter la bibliothèque rose, dans laquelle Messieurs Grimm, Disney et consorts s’efforcent de les garder enfermés.
Une véritable libération à laquelle, dit-on, la fée Gaudriole, n’est sûrement pas étrangère.
Ci et là, les histoires se font coquines et se glissent donc vers les oreilles averties conscientes que leur nature suscite bien des émois.
Traversant les siècles, les contes coquins, les récits érotiques, font partie de l’histoire de toutes les civilisations et témoignent du degré de tolérance d’une société à un moment précis de son histoire.
Mais ces contes particuliers, qui privilégient plutôt le rire aux pleurs, ne se contentent pas de nous confronter à nos fantasmes, acceptés ou non.
A bien y regarder, on constate qu’ils ont une autre fonction intéressante. Sous un masque goguenard, ils s’en prennent régulièrement aux abus de pouvoir.
Que ce soit un mari riche et vieux ayant épousé une femme jeune et belle, un seigneur, profitant de son autorité et de la crainte qu’il inspire, pour abuser d’une pauvre paysanne, ou un moine perfide et libidineux usant de son influence sur les âmes pour ses plaisirs débridés, tous subissent, en fin de récit, une punition les plongeant dans les affres du ridicules.
Cocufiés ou victimes d’une vengeance drolatique, les abuseurs qui profitent de leur autorité sociale ou verbale, sont ainsi montré du doigt.
La force des contes est, dans ce cas précis, d’évoquer au grand jour des usages que l’on préfère généralement garder secret.
Redresseur de tort par la fiction ou miroir de la société, le récit érotique n’a, bien entendu, pas toujours eu bonne presse.
Combien de textes ainsi abandonnés dans les oubliettes honteuses des Bibliothèques, combien d’auteurs marqués au fer rouge du scandale.
La censure, cette hydre infernale, n’est pourtant pas parvenue à affaiblir le genre.
Parce que les histoires qui nous parlent du désir, de plaisirs charnels, qui titillent notre imagination, ou nous font rire de « la chose » par le biais de la farce, trouvent évidemment une immédiate résonnance en nous et qu’aucune loi ne peut aller longtemps contre la nature de l’homme.
Bien souvent méprisées par une élite intellectuelle, les histoires coquines révèlent encore l’étendue du langage humain pour évoquer les choses de l’amour.
Comme l’écrit Henri Gougaud, dans sa préface du Livre des amours, Contes de l’envie d’elle et du désir de lui : « …plus de trois cents noms désignent, dans la seule langue française, le sexe de l’homme, autant le sexe de la femme, et plus encore l’union des ventres ». Une telle créativité invite plus au respect qu’au dédain.
Goûtons donc joyeusement au plaisir des textes bien écrits et bien dits par les conteurs qui ont choisi de mettre des contes érotiques à leur répertoire. Une manière jubilatoire de joindre l’amour des mots avec les mots de l’amour.
© Racontance 2014