L’art du conte est, par excellence, celui de la liberté. Car la parole du conteur n’est jamais soumise à un texte figé. C’est toute sa différence avec le comédien. Si celui-ci est au service d’un auteur, le conteur, lui, n’est au service de personne sinon à celui de son imaginaire.
Quelle plus grande liberté que de s’emparer de récits qui ont traversé le temps et de leur apporter une dimension personnelle ? Ou d’être l’auteur de ses propres histoires avec le pouvoir de les modifier à tout moment.
Depuis toujours, le conteur a donc été un voyageur sans bagages. Car sa parole n’a jamais eu besoin de décors ou d’artifices superflus.
Il prend le temps de capturer et d’apprivoiser ses contes avant de les partager avec le public.
Mais il ne les présente jamais en cage. Ils restent sans entraves, prêts à tout moment à le surprendre autant que le public qui les écoute.
C’est une bien étrange magie que ces moments partagés avec les spectateurs.
Basés sur l’échange, nourris par l’improvisation, ils permettent une relation vraie, directe, sans effets.
Pourtant, depuis quelques années, la tentation de la théâtralité semble de plus en plus présente dans le monde du conte. Pourquoi ? Un besoin de renouveler le genre ? Un sentiment complexe par rapport à d’autres disciplines ?
Seul en scène, uniquement porté par son charisme, habillé de sa seule parole, les mains dans les poches de son imaginaire, le conteur éprouve, en fait, de plus en plus de difficultés à persuader les programmateurs professionnels à lui ouvrir leurs salles.
On veut des artistes, pas des artisans ! On veut du spectacle, pas une simple soirée contée !
Le mot « conte » lui-même est souvent banni de l’affiche. Trop typé, trop associé aux petites histoires que l’on raconte aux enfants…
Alors, sous influence, le conteur peut succomber à la tentation de se faire « showman », offrant un spectacle calibré à la demande, à l’image de ses fruits qui doivent avoir la bonne couleur et la bonne dimension pour être mis sur le marché.
Ces spectacles de contes théâtralisés peuvent être certes magnifiques et être appelés au succès. Mais sont-ils encore capables de nous apporter cette formidable émotion que l’on ressent à l’écoute d’un conte dit dans toute sa simplicité.
Et la parole du conteur peut-elle, dans cette formule, garder sa liberté si précieuse ?
Ce sont là des interrogations auxquelles la plupart des conteurs sont confrontés aujourd’hui dans la pratique de leur art. Ce sont ces questions précises qui nourrissent d’interminables débats sur ce qu’est du conte et ce qui n’en est pas.
Qui oserait aujourd’hui prétendre que le chemin du conteur est celui d’un long fleuve tranquille ? - Dbr.
© Racontance 2014
Vos commentaires et réflexions à propos de cet édito
Il est vrai que nous sommes dans ce questionnement….
Nos racines , nos mémoires viennent nourrir le conte.
Oui, mais est-ce suffisant dans un monde où le visuel est si important ?
Parfois, nous ne faisons pas confiance au conte, il nous faut toujours plus.
Le plus difficile est d’aller vers l’essentiel, le plus simple.
La simplicité n’est pas de mise aujourd’hui.
Question de mode !
Alors, pour certain, un passage par la théâtralité, c’est “PLUS”….
Peut-être juste une étape , pour mieux se donner au conte , trouver le coeur du conte .
Et puis, il y a des tempéraments qui s’accordent à donner à voir et à entendre,
à faire vivre dans la lumière des personnages qui s’activent comme des acteurs,
où des acteurs qui s’activent comme des personnages ?
Mais le conteur ?
Il a travaillé en amont et il donne ce qui lui semble juste .
A chacun son répertoire, à chacun ses émotions, à chacun des rêves, à chacun sa manière d’offrir le conte.
Quand il y a sincérité et vérité, loin des modes.
Juste envie d’une petite lettre de mes sentiments, comme ils viennent à la découverte du mail reçu.
Tout chaud,à prendre donc peut-être avec modération….
Armelle
Armelle et Peppo Audigane
Contes et Musiques Tsiganes