Parfois l'actualité peut vous donner l'envie d'écrire une histoire. Trouver des mots pour aller au-delà des images. Pour donner du sens, pour exprimer ce qu'on l'on ressent ou encore pour véhiculer des valeurs.
Migrant
Dans le pays où il était né des mots d’un vieil homme qui aimait les histoires, la vie avait changé depuis quelques mois.
Là-bas, tout n’était plus que destructions et mort.
L’insouciance d’autrefois s’était consumée.
Des brutes s’acharnaient sur les corps, sur la Liberté, sur la Culture.
Des pierres millénaires disparaissaient dans des souffles de feu et des livres étaient brûlés, car les phrases des lettrés et des sages semblent toujours être une insulte pour les fanatiques.
Alors, parce qu’il avait peur de cette violence qui finirait par tout emporter jusqu’au souvenir de son existence, il décida d’arracher ses racines à la terre qu’il aimait.
Subrepticement, il se logea dans la mémoire d’un garçon plein de vaillance et de joie.
Et ainsi commença le voyage.
Ce fut long et éprouvant. Le jeune homme qui l’emmenait avec lui marcha longtemps, très longtemps à travers les sables infinis ;
La peur, la faim, l’humiliation pouvaient avoir à tout moment raison de lui.
Et si le garçon devait mourir épuisé, alors, lui aussi s’éteindrait à jamais.
Un jour enfin, le sable brûlant du désert devint sable humide.
Sur une plage, il y avait des centaines de gens qui montaient à bord d’embarcations improvisées. Sans hésiter un instant, le garçon se fit une place dans l’une d’elle.
Et ainsi continua le voyage
Ce fut long et effrayant. Le jeune homme qui l’emmenait avec lui resta très longtemps dans sa barque de misère.
Le vent agressif, la soif, la mer furieuse, pouvaient avoir à tout moment raison de lui.
Et si le garçon devait mourir noyé, alors, lui aussi, disparaitrait à jamais.
Un jour enfin, la petite embarcation accosta sur un rivage nouveau.
Sur celui-ci, il y avait des gens qui criaient aux arrivants « Partez !, on ne veut pas de vous ici ». Indifférent, le garçon traversa la foule haineuse et continua à chercher avec d’autres compagnons une Terre Promise, un Ailleurs ou la terreur, l’ignorance, l’intolérance n’auraient pas encore détruit tout ce que les siècles avaient eût tant de mal à rendre élémentaires à l’être humain ; la liberté de penser, de travailler, de fonder une famille, de voir ses enfants connaître un avenir meilleur sans la guerre.
Ce fut long et difficile. Car ce n’était pas la même langue, la même nourriture, le même soleil qu’autrefois. Mais le garçon restait plein de vaillance et de joie.
Un jour enfin, celui qu’on appelait « le migrant » entendit des mots d’amitié : « Reste ici, installe-toi, cette ville, ce pays t’appartiennent désormais autant qu’à moi et tu n’y risques plus rien. »
Alors, après tout ce temps passé au fond de la mémoire de celui qui l’avait emporté avec lui et qui était devenu un adulte, alors seulement, il quitta sa cachette et s’offrit à ceux qui étaient prêt à l’écouter.
Il n’était plus tout à fait pareil que par le passé. Son voyage l’avait changé, l’avait enrichi, rendu plus beau, plus humain qu’il ne l’avait jamais été.
Désormais, il allait pouvoir continuer à nourrir l’imaginaire des hommes, et devenir même, peut-être, universel.
Ce qui est pour un conte inventé par un vieil homme qui aimait les histoires, la plus belle des destinées possibles.
Dominique Brynaert, conteur.
Septembre 2015.