La question vous paraît saugrenue ? Et pourtant, combien de conteurs ont-ils déjà eu le sentiment que leur travail n'était pas reconnu à sa juste valeur ?
Etre payé pour simplement venir raconter quelques histoires ? La belle affaire....
"Désolé, vous êtes trop cher...", "Nous sommes une toute petite association, vous ne pourriez pas nous faire un prix?", "Ah bon, je croyais que vous faisiez cela bénévolement..."
Autant de petites phrases anodines qui trahissent une triste méconnaissance du travail du conteur...
Il y a ceux qui pensent encore qu'un conteur, une conteuse, c'est simplement quelqu'un qui se contente de venir lire quelques livres d'histoires pour enfants. Une sorte de gentille institutrice à la retraite qui s'ennuie ou une brave bibliothécaire embrasée par sa quête ; donner le goût de la lecture et du livre aux jeunes générations.
Pas de quoi dépenser plus de quelques centimes, sans doute ?
Désolez de vous détromper. D'abord, un conteur, une conteuse, ça ne lit pas. Cela raconte !
Dans la singularité de cet exercice, celui qui, à juste titre, peut se dire conteur prend un texte à bras le corps, le triture et le raconte de vive voix avec ses mots, ses émotions, son talent.
Conter, raconter, est un art véritable, incontestable. Au même titre que jouer la comédie, peindre un tableau, interpréter un morceau de musique.
Et qui dit Art, dit apprentissage. Et il n'y a pas d'apprentissage sans travail.
Il y a les conteurs-créateurs. Ceux qui écrivent eux-mêmes leurs histoires et en sont les premiers interprètes.
Travail d'écriture, d'imagination.
Il y a les conteurs-transmetteurs. Ceux qui s'approprient des histoires écrites par d'autres - parfois des siècles auparavant - et qui les transmettent avec fidélité tout en y apportant leur personnalité. Travail de recherche, d'adaptation.
Ensuite, il y a le travail de la scène.
Conter en public, ce moment merveilleux où l'on s'expose, où l'on se met en danger, cela s'apprend. Capter l'attention, choisir les mots qui éveillent l'attention de chacun, faire rire ou émouvoir, n'est pas inné. Il faut se former auprès de conteurs expérimentés, auprès d'autres artistes dans d'autres disciplines qui peuvent vous apprendre à mieux utiliser, par exemple, votre phrasé, votre voix, votre gestuelle.
Un véritable conteur n'arrête jamais de se former, n'arrête jamais d'apprendre pour évoluer. Cela lui coûte du temps et de l'argent (c'est souvent cher un bon stage). Cela lui demande un investissement continu, de l'obstination pour progresser et exercer son art avec toujours plus de rigueur et de talent.
Car si le public est exigeant (et il a raison de l'être !) le conteur a le devoir de répondre à son attente avec tout le professionnalisme possible.
N'est-il pas normal, dès lors, qu'il bénéficie d'une juste rétribution ?
Rénumérer honnêtement un conteur, c'est simplement reconnaître que son travail, son exigence de perfection, mérite le respect.
Bien sûr, par solidarité envers un projet social intéressant, un conteur peut proposer d'offrir ses services gracieusement. Cette générosité ne doit cependant pas, à terme, devenir pénalisante pour l'ensemble des professionnels du conte qui ont besoin de contrats tout simplement pour vivre.
Non, les conteurs ne peuvent se contenter de vivre d'amour et d'eau fraîche. Leur imaginaire partagé, leur passion de l'histoire bien dite, ne les exclut pas des réalités du quotidien.
ndlr. Il n'existe aucun barème officiel pour la rénumération des conteurs et conteuses en Belgique. Chacun est libre de fixer ses prix, selon son expérience, sa notoriété, le travail préparatoire à accomplir pour l'un ou l'autre spectacle.
(c) Racontance 2013