Ce mot me parait encore un peu grand pour moi. Je cultive, je rassemble, je récolte, je tâtonne. J’écoute, surtout, cette voix intérieure, mystérieuse, qui me guide et m’invite à écrire, à essayer, à retravailler. A ce jour, j’ai de quoi proposer seulement quelques courts voyages, en Chine surtout. Le fantastique s’y invite souvent. La simplicité aussi. Entre contes de sagesse et histoires d’amitiés, je vois qu’au bout du compte, il y a toujours une belle lumière.
Feng le vagabond, Le peintre et le héron, La fiancée de papier, L’humble tailleur de pierre, Sasa le mendiant, et d’autres déjà en rêve, ou encore dans les limbes.
Je cherche aussi des vrais lieux « où cela se passe » et j’assiste discrètement un vendredi à une soirée Zapéro-contes. Séduit, je cherche une formation. Une année à l’école du conte de Bruxelles me fait réaliser que ce n’est pas l’école qui me convient. Tout à mes films, je laisse passer les années, mais mes scénarios croisent de plus en plus l’univers des contes. N’y tenant plus, je cherche une nouvelle voie pour la pratique orale et trouve l’atelier animé par Henri Gougaud. J’y rencontre une belle équipe avec qui débuter. J’ose alors me proposer un vendredi à une soirée Zapéro ! La magie opère...
Je continue aujourd’hui à chercher de nouvelles rencontres qui me feront encore avancer. Le plaisir est aussi de réaliser que ce voyage n’aura pas de fin, il y aura toujours à apprendre des parcours généreusement mis en partage.
Mais c’est véritablement avec le conte oral que je retrouve mon amour de jeunesse, la scène. Non pas la scène de théâtre, plutôt un simple espace où poser une chaise, haute de préférence, d’où inviter le public à partir en voyage.
Mais le cinéma est un ogre affamé qui dévore énergie, temps et argent. Il épuise ses ouailles tel un Dieu exigeant à jamais inassouvi.
J’ai cherché d’autres voies, que j’espérais plus légères, pour partager les histoires : écrire des albums pour la jeunesse ou des spectacles kamishibaïs, diriger des voix en studio, ou prêter ma voix dans des films d’animation.
Heureusement, j’acquiers à 22 ans la force de révolte suffisante pour me rebiffer et « dévier » de la culture familiale en m’inscrivant à la Faculté de Philosophies et Lettres de l’ULB où vient de s’ouvrir une nouvelle section, ELICIT, pour Littérature de Cinéma et de Télévision. Première promotion, aujourd’hui nommée Art du spectacle.
Me voilà officiellement diplômé « scénariste » en septembre 1991, voie royale vers le chômage. Ces premières années pleines de temps disponible, égrenées de petits contrats m’offrant le statut « d’artiste », me permettent de vivre de nouvelles expériences fort enthousiasmantes. Je m’associe avec des ami.es cinéastes aussi libres que moi, et m’improvise producteur en asbl. Y naîtront mes premiers scénarios portés à l’écran. Lassé d’aller pointer au « chômdû », je construis, avec l’élue de mon cœur, Laurence Deydier, un nouveau navire pour trouver notre indépendance, une société de production de films d’auteur. Et vogue la galère.
Le vent pousse dans les voiles, un voyage de trente années durant lesquelles nous produisons plus de 150 films. Nous avons travaillé autant d’histoires avec plus de 50 auteur.es différent.es, dont une majorité de réalisatrices : fictions ou documentaires, en prises de vues réelles ou en images animées, principalement des formats courts, et sur les dix dernières années, principalement pour les enfants. Il est vrai que nous sommes devenus parents.
Le vent dans les voiles est cet amour des histoires à raconter. Elles permettent de partager, de transmettre, d’entrer en relation, d’abord avec les équipes artistiques qui créent les films avec nous, ensuite, avec le public, si précieux.
Auteur de plus de cinquante scénarios portés à l’écran, réalisateur de nombreux courts métrages et d’un premier long métrage d’animation en 2022, je suis un cinéaste comblé.
N'est-ce pas plaisant de pouvoir compter sur la simple parole pour entrer en relation avec un public qui est à la portée des yeux ?
N’est-ce pas la voie la plus durable, autant locale qu’universelle, pour partager nos vérités secrètes ?
Cherchant des occasions pour pratiquer, je profite d’être invité dans les salles de cinéma pour offrir aux enfants un petit conte à l’occasion de la présentation de mes films.
Le conte est aussi le cinéma avant le cinéma, depuis la nuit des temps passés, et encore pour la nuit des temps à venir, probablement. En ce qui me concerne, le conte sera aussi le cinéma… après le cinéma. Petit parcours de l’un à l’autre :
A 15 ans j’interprète Scapin dans ses Fourberies pour la pièce de théâtre de mon école. A 16 ans je prends les habits bariolés d’Arlequin pour servir ses deux maîtres, non sans moins de tartuferies. A 17 ans, plus sérieux, j’endosse le rôle de Becket dans la pièce de Jean Anouilh. Ces trois expériences sont si vivifiantes que mon choix de vie était clair : le théâtre. Mais les pressions familiales étaient trop fortes, père, mère et frère s’associant pour me mener vers un chemin que je ne désirais pas… une école de commerce.
Amateur des formes courtes, je lis essentiellement des nouvelles, de la poésie, des contes et je suis tombé, au fil des ans, en amour pour la littérature orale.
Au cinéma, où j’exerce la profession d’auteur-réalisateur, il faut savoir défendre son scénario au travers d’un « pitch », d’un « synopsis », d’une forme courte du film rêvé. Pour les projets de plus grande envergure, cette défense passe par une présentation orale, souvent devant des salles remplies de professionnels à convaincre. C’est ainsi que j’ai expérimenté mes premiers « seul en scène » !
Raconter des histoires, c’est toujours captiver un public, quelle que soit l’école.
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